Depuis une dizaine de jours, l’introduction d’une possible clause de conscience réservée aux pharmaciens a enflammé les débats. Elle permettrait entre autres aux professionnels des officines de refuser de délivrer des médicaments tels que la contraception d’urgence. Face au tollé, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens a suspendu la consultation engagée auprès des professionnels.

L'Ordre national des Pharmaciens avait engagé une consultation auprès de 75 000 professionnels, sur l'intérêt d'instaurer une clause de conscience dans leur code de déontologie.

Cette consultation, lancée par l’Ordre national des pharmaciens en septembre 2015 au sujet notamment “de l’intérêt d’introduire une clause de conscience dans le prochain code déontologie de la profession”, est finalement suspendue “devant l’émoi et l’incompréhension suscités devant cette réflexion collective”, a-t-on appris jeudi 21 juillet dans un communiqué. Cet article, que beaucoup voient comme la possibilité d’autoriser la non-délivrance de certains médicaments comme les

contraceptifs, ne sera donc pas “maintenu en l’état”, affirme le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens.La clause de conscience, “une attaque directe au droit du patient”Un collectif de pharmaciens s’était élevé contre la possibilité d’instaurer cette clause de conscience, qu’ils voient comme une “attaque directe au droit des patients”, en lançant une

pétition en ligne (11 600 soutiens le 22 juillet). Selon les signataires, une telle clause ne permettrait que de satisfaire “les pharmaciens les plus réactionnaires, qui souhaitent avoir le droit de ne pas délivrer certains médicaments par convictions personnelles”.

Un pharmacien de Gironde avait été suspendu en mars 2016 pour un motif similaire : il refusait de vendre des contraceptifs dans son officine. Le pharmacien avait évoqué pour sa défense une “clause de conscience”, qui n’est cependant pas appliquée aux pharmaciens et jusqu’à présent réservée qu’aux médecins.La consultation lancée par l’Ordre national des pharmaciens était donc destinée à débattre de ce sujet suite à l’incident girondin. Mais selon les pharmaciens signataires de la pétition, il ne s’agit que d’“un encouragement à continuer” dans cette voie. Ils évoquent même des dérives possibles d’une clause de conscience, qui permettrait à certains pharmaciens de pouvoir refuser de “délivrer des hormones aux personnes transgenres, des médicaments aux toxicomanes ou des traitements contre le

VIH”.Les pharmaciens et le refus de délivranceLe code de déontologie des pharmaciens permet aujourd’hui aux professionnels de refuser la délivrance de certains médicaments ou dispositifs médicaux, sous le seul prétexte que ce refus soit motivé par un souci de préserver la santé du patient, comme stipulé dans le Code de la Santé publique : “Dès lors que, au cours des vérifications relevant de sa compétence, et hors les cas d’urgence et ceux que justifie l’état du malade, le médecin dûment prévenu par écrit ou oral refuse de modifier sa prescription, le pharmacien se doit de refuser la délivrance des produits prescrits dès l’instant qu’il juge en son âme et conscience que ceux-ci présentent un danger réel ou ne relèvent pas d’une non-conformité apparente que le médecin aurait pu justifier par une nécessité thérapeutique inhabituelle.”Le collectif de pharmaciens opposé à l’instauration d’une clause de conscience réservée à leur profession s’est félicité du recul du Conseil national de l’Ordre. Au-delà d’une simple modification du texte, ils attendent un retrait de cette clause de conscience.